Klaxons, sonnettes et braillements. Les voitures zigzaguent, les vélos se croisent, se dépassent. Les chariots, tirés par des mules efflanquées, s’arrêtent brusquement sur le bas-côté, les conducteur déchargent prestement leurs fardeaux et crient leur rengaine. Les enfants jouent sur les trottoirs, les chats et les chiens se faufilent entre les jambes de la populace qui s’enlace et se délace sans fin.

Les jours de marché, à Bamako, l’activité bat son plein, l’effervescence est palpable. L’excitation envahit toutes choses. Sur les trottoirs s’écoule un long fleuve bigarré d’êtres vivants aux couleurs criardes et chatoyantes. Aussi loin que porte le regard, on ne voit qu’entrelacs de corps transpirants, amas de tissus colorés, scintillements de bijoux de pacotille, bracelets cliquetants, créoles dorées démesurées.

Si l’on s’attarde un peu, si l’on a le courage d’attendre au milieu de la cohue que sonne 10h30 aux dizaines de montres bracelets de l’étale du petit vendeur voleur du coin de la rue, on aperçoit alors, au-delà des volutes de poussière rouge, son turban coloré émergeant de la foule. Attendons encore un peu et la voilà qui se rapproche, sereine et nonchalante, fendant la foule sans heurt. Le port altier, le corps plein, rebondi, sensuel et le regard chaleureux. A l’aise dans son boubou orange et bleu, elle déambule tranquillement, le visage épanoui, à la fois tournée vers l’extérieur et tout à l’écoute de ses sensations. La douceur de son regard invite à l’aborder, mais sa prestance, un peu froide, impressionne et réfrène les ardeurs indésirables. Elle arbore la force de son âge, tout en transportant le poids de ses doutes et incertitudes. Il émane d’elle toute sa volonté de vivre et son besoin de sens perpétuel.

Si l’on est vraiment patient, elle passe enfin devant nous et nous gratifie enfin d’un sourire chaleureux qui laisse dans son sillage l’apaisement du cœur et tant de questionnement.

Texte de Corinne écrit le 16 novembre 2016.