Le réverbère

Je suis l’homme à tout faire

toujours au garde-à-vous.

Planté là avec mon frère.

Hiver comme été j’éclaire

le perron de la maison.

C’est mon affectation.

J’en ai vu passer des gens :

des bons et des méchants

des maigres et des gros,

des garnements qui me prennent pour un arbre à singes,

ou qui me secouent comme un prunier.

C’est ma passion.

J’en ai entendu des sons.

les hymnes du premier août,

les rires gras et bruyants

des contemporains à la terrasse,

les disputes des vieux couples,

les caprices des gamins,

les miaulements des chats

et la toux rauque des chiens.

C’est ma mission.

J’ai senti la caresse du soleil,

les gifles de l’ouragan,

les trombes d’eau du printemps,

les piqûres glacées des flocons.

C’est mon sort, c’est mon destin :

J’endure tout vaillamment

comme un brave soldat de plomb.

Mais il y a une chose que je ne supporterai plus :

C’est que les chiens me pissent dessus.

                                                                                                Anne-Isabelle, 15 décembre 2015.