Bain-des-Dames, La Tour-de-Peilz, 12 février 2018

Cher Vous, cher Toi…

Hier matin, aux aurores, sur la rive ici même, j’ai eu la chance de te rencontrer. Je ne t’avais encore jamais vu. Il est vrai que rares sont les amateurs de baignade à l’aube, qui plus est en cette saison hivernale.

L’eau à mi-cuisse me fouettait déjà le sang, et tout à mes remémorations je tardais à m’élancer, lorsque j’aperçus ta silhouette surgissant de la pénombre. Tel Pantos, fils de Gaïa, personnification masculine des Flots, tu t’es jeté à l’eau sans la moindre hésitation. Immobile, paralysée par ton apparition quasi divine, plus que par la température glaciale de l’eau, tu ne m’as pas aperçue tout de suite. Ce n’est que lorsque je me suis enfin décidée à plonger à mon tour, que, visiblement surpris, tu t’es arrêté et tu m’as regardée. Nous nous sommes adressés la parole très rapidement.

L’eau froide crée des liens surprenants. A partir d’une certaine température, on échange quelques propos, on se tutoie, on fait connaissance. Le froid de l’atmosphère n’a pas gelé la chaleur de notre premier échange. Mon cœur battait même à tout rompre, empourprant mes joues. Et mes membres auparavant transis de froid, fourmillaient et se réchauffaient à vive allure.

Monsieur, cher Toi, notre rencontre d’hier ne m’a pas laissée indifférente. Elle a éveillé en moi de nouvelles sensations. Notre discussion s’est malheureusement achevée bien vite, trop vite, et nous ne nous sommes même pas présentés. A moitié nus et frissonnants, nous avons partagé des propos bien plus profonds que ne l’impose les classiques premières rencontres.

Je souhaite ardemment te rencontrer à nouveau afin de vérifier si, dans des conditions plus chaleureuses, nos cœurs, eux, perdraient de leur ardeur.

Bien à toi

Carmen

Texte de Corinne, écrit lors de l’atelier « Floup » du 27 mai 2018 à Nyon.