1. Inquiétude fumeuse

Endroit sombre et discret,

Max, Paul, Gilles se cachent.

Ils roulent le calumet.

Le tabac, ils hachent.

Je n’ai pas de briquet.

Les trois gus se fâchent.

Faut qu’ils ferment leur clapet.

J’ai peur que ça se sache.

Mercredi 17 mai,

trois ados sous la bâche,

rigolent et fument en paix.

Non fumeuse, je fais tache…

  1. Poisson d’avril

Monsieur N’Guyen a un visage sympathique même s’il enchaîne les tics. Rictus incontrôlés, sursauts intempestifs de sourcils, narines qui se dilatent sans raison : son corps semble échapper à son contrôle. Tout comme ses expériences. A chaque cours, des éprouvettes fondent, des réchauds explosent ou des réactions se font attendre, sans jamais venir, même en étant encouragé par une vingtaine de paires d’yeux.

Monsieur N’Guyen aime bien nous faire des farces. L’année passée, pour le premier avril, il avait dissimulé un poisson mort dans un seau et m’avait ensuite demandé de lui remplir ce récipient d’eau pour éteindre un léger incendie qu’il venait de provoquer à cause d’un bec bunsen défectueux (enfin soi-disant). Moi, toujours prêt à rendre service, surtout à Monsieur N’Guyen avec ses tentatives de démonstrations pédagogiques foireuses, j’ai pris l’anse métallique, jeté un coup d’œil dans le fond et j’ai crié en lâchant violemment le cadavre dans son cercueil de fortune. Monsieur N’Guyen a alors ri comme une hyène.

Cette année, j’ai décidé de lui rendre la pareille. J’ai demandé au poissonnier de me donner vingt poissons pourris, plus comestibles ni vendables même avec l’étiquette « rabais 50% ». J’ai ensuite appelé les copains pour m’aider à disposer tout ce petit monde mort et décapité sur nos tables de classe. Après, on s’est vite caché dans le wagon qui se trouve dans la cour. Cela n’a pas été facile de convaincre Emeline et Siméon mais avec un paquet de marshmallows, ils ont cessé de jouer les sages intellos. Au final, j’étais déçu car comme on était tous entassés dans le wagon, on n’a pas vu la tête de Monsieur N’Guyen face à cette marée morbide. Dommage, on se serait bien marrés.

III. Un déménagement et ses petits désagréments

28 août 1998

Les rentrées se suivent et se ressemblent habituellement. Sauf pour moi, cette année. Oui, cher journal intime, j’ai l’honneur de t’annoncer, que suite au déménagement, je change d’école ! Réjouis-toi donc de voir tes pages se noircir de nouvelles anecdotes plus croustillantes que les bisbilles de la rentrée passée avec Julianne, la banane qui se prenait pour la meilleure et qui, quand, elle m’invitait chez elle, ne m’autorisait pas à toucher ses playmobils car je devais être « Dieu » et elle jouait avec tous les autres personnages, même le cowboy cul-de-jatte. Bref, si tu ne te souviens plus, regarde sur ta page 10.

Nouvelle école, nouveau quartier, nouvelles histoires. Adieu le Grand-Saconnex et bonjour Chêne-Bourg et . . .

29 août 1998

Oups désolé, cher journal, ma baveuse de petite sœur a versé son liquide gluant sur la page précédente. Tant pis, on a perdu la suite du 28 août.

Aujourd’hui, c’était le 29. Et on a eu la couture. Et angoisse totale, en déménageant, j’ai perdu ma boîte. J’ai dû donc mendier auprès des autres, des épingles et une aiguille. Alors à Chêne-Bourg, le partage, ils connaissent pas trop. Heureusement, à côté de moi, il y avait Ruben et il s’est donné de la peine, non seulement pour me prêter une aiguille mais aussi pour mettre le fil dans le trou de l’aiguille. Ensuite, il a même cousu un petit bout de mon tissu car j’avais pas très bien compris le point de croix. Trop sympa le Ruben.

30 août 1998

C’est étrange quand même, en y repensant, la boîte à Ruben ressemblait drôlement à la mienne…

Textes de Deborah, écrits lors de l’atelier « zig zag zoug feuille caillou ciseau » du 5 mai 2019, au Collège du Belvédère à Lausanne.